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À partir d’un fonds d’environ 300 tirages originaux datant de 1880 à 1940, l’exposition Visages du monde ouvrier à la Galerie Lumière des roses à Montreuil du 13 octobre 2021 au 29 janvier 2022 montre comment l’ouvrier va progressivement s’affranchir de la représentation photographique dictée par les patrons pour s’approprier sa propre image en travailleur.

À la fin du xixe siècle, la représentation photographique des ouvriers est instrumentalisée au profit du monde industriel triomphant. Les patrons, qui ont vite compris l’utilité de la photographie comme outil de promotion, demandent à leur personnel de prendre la pose dans des mises en scène élaborées qui donnent une image idéalisée du travail. L’ouvrier n’est qu’un
simple figurant et à aucun moment il n’est envisagé comme le destinataire de ces photographies, par ailleurs trop coûteuses pour qu’il puisse les acquérir.

Pour accéder à sa propre représentation, il lui faudra attendre l’émergence d’un nouveau type de photographie dans les années 1910, la carte-photo, petit tirage argentique bon marché qui lui permet d’acheter la photo de groupe où il apparait entouré de ses camarades, le plus souvent à la sortie de l’atelier ou de l’usine. Cette image, pré-imprimée au dos comme une carte postale, pourra même voyager. Lorsqu’il l’envoie à la famille ou aux amis, il peut signifier d’une croix tracée sur la photographie : « c’est moi ».

Avec la démocratisation de la technique photographique, l’ouvrier devient peu à peu acteur de son image en travailleur, inventant un espace d’expression de sa propre culture. Ce désir d’images nouveau donne lieu à une iconographie inédite, où s’expriment la spontanéité, la camaraderie et la fierté des collectifs de travail. Il ne s’agit plus de représentation sociale mais
d’une image de soi pour soi qui induit un rapport plus intime à l’image.

Il arrive aussi que l’ouvrier devienne lui-même photographe amateur, prenant conscience, à l’occasion de grèves notamment, que l‘image peut aussi être une arme de revendication. Plus tard, ces clichés, souvent légendés « souvenirs de grève », iront rejoindre les photos de communions ou de mariage dans l’album familial.

L’exposition est le fruit d’une collecte débutée il y a plus de 15 ans. Fidèle à la passion de la galerie Lumière des roses pour la photographie amateur et anonyme, elle est essentiellement composée de photographies anonymes.

Du 13 octobre 2021 au 29 janvier 2022
Galerie Lumière des roses
12-14 rue Jean-Jacques Rousseau
93100 Montreuil
du mercredi au samedi 14h – 19h
www.lumieredesroses.com